Goethe et sa conception du monde

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Steiner, Rudolf
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Remise
Prix / Kg:
ISBN : 2-88189-005-9
Nbre de pages :
200
N° de GA
6
Traduction :
Tanner, André
Reliure :
Relié
Format :
12 X 18
Communication :
Écrits
Édition année :
1985
Auteur(s) :
Steiner, Rudolf
Langue originale :
Allemand
 
Un exposé condensé de l'étude approfondie faite par Rudolf Steiner lors de la préparation de l'édition des oeuvres de Goethe, où lui furent confiées les oeuvres scientifiques.

Préface à la première édition

Ce qui importe, chez Gœthe c'est l'orientation même de son esprit. La pensée de Gœthe a des limites : il y a des domaines de la connaissance qui lui sont restés fermés.

Préface à la nouvelle édition

Introduction: la pensée de Goethe

Gœthe éprouvait une sorte de crainte à fixer la réalité vivante dans la transparence de l'idée. «L'homme n'est pas né pour résoudre les problèmes du monde, mais pour chercher comment le problème se pose, et se tenir ensuite dans les limites de l'intelligible.» Toujours avoir, sur un même sujet, deux avis opposés, plutôt qu'un seul, nettement défini. Une théorie fixe, qui prétend formuler une fois pour toutes la loi d'une série de phénomènes, est suspecte, parce qu'elle dérobe à la connaissance son entière liberté de rapports avec la réalité mouvante. Goethe n’a pas constitué en système achevé sa conception du monde : il l'a vécue en une personnalité achevée.

LA POSITION DE GOETHE DANS L'ÉVOLUTION DE LA PENSÉE OCCIDENTALE

Goethe et Schiller

Gœthe : décrire la nature, non par fragments isolés, mais agissante et vivante, tendant sans relâche du Tout vers les parties. La nature de la plante : la plante symbolique exprime «l'essence» de chaque plante particulière. Image d'une forme plastique-idéale, engendrée par l'esprit et qui, observant la diversité des formes végétales, cherche à en découvrir l'élément commun. Schiller et Goethe : deux mondes de pensée qui s’opposent. La pensée de Schiller est issue de la philosophie de son époque. Gœthe voit dans l'idée d'un objet un élément dont la présence, dans cet objet, est immédiate, agissante et opérante. Schiller : le monde des idées et le monde de l'expérience sont deux mondes séparés ; et il y a deux sources de connaissance. Gœthe : une seule source de connaissance : le monde de l'expérience, où est inclus le monde des idées. Gœthe voit en esprit une image du monde opposée à la sienne, issue de l'hellénisme, et montrant un abîme entre l'expérience sensible et celle de l'esprit. Les Eléates. Méfiance envers les organes des sens, vus comme source, non de vérité, mais d'illusion. Xénophane. Parménide : les perceptions des sens ne sont que mensonge et illusion ; seule la pensée pure, indépendante de toute expérience, peut mener l'homme à la connaissance du vrai.

Le Platonisme

Platon : défiance à l'égard de tout empirisme. «Les choses de ce monde, que perçoivent nos sens, n'ont pas d'être véritable : elles se transforment toujours, elles ne sont jamais. (…), et l'on peut aussi bien appeler non-être leur existence». Représentation d'un monde des apparences et représentation d'un monde des idées séparés. Seul le monde des idées correspond à une réalité véritable, une réalité éternelle. Le monde des idées doit s'illuminer dans l'âme ; et l'esprit, unissant en lui l'idée et l'observation sensible, doit éprouver l'unité dans l'acte de connaître : alors l'homme a devant lui la réalité authentique. Parménide : caractère illusoire des objets sensibles ; la réalité véritable ne saurait se trouver que dans les idées. Gœthe : la question de la coïncidence de l'idée et de l'objet sensible, une question parfaitement oiseuse. Problème de la valeur respective du monde sensible et du monde spirituel. Le monde devient le reflet imparfait du monde parfait des Idées qui repose en Dieu. Saint-Augustin : «(…) l'âme pensante ne saurait être de même essence que Dieu, car Dieu n'admet point de communauté, mais l'âme peut être illuminée en participant à la nature de Dieu.». Le christianisme affecté par le platonisme réduit à un seul de ses aspects. Gœthe : la nature parle le langage des idées, quand l'âme est prête à l'entendre. Du platonisme Goethe conserve dans toute sa pureté le sens des Idées, mais récuse le courant qui se détournait du réel. La conception du monde de Goethe exclut tout ce qui, sous couleur de christianisme, ne lui montrait que transmutation d'un certain platonisme.

Les conséquences du Platonisme

Aristote. Dans l'esprit humain seulement les idées peuvent exister indépendamment de l'objet, mais, sous cette forme, elles n'ont pas de réalité. L'âme seule peut séparer les idées des objets sensibles, qui composent avec elles la réalité. Interprétation aristotélicienne modifiée ensuite : philosophes et théologiens veulent trouver chez Aristote un appui logique au dogme chrétien – il fallait éviter que l'esprit cherche les idées créatrices dans les choses – la Vérité ayant été donnée aux hommes sous forme de Révélation. Saint Thomas d'Aquin associe Aristote au développement de la pensée chrétienne. La Révélation descend si bas, et la Raison peut s'élever si haut qu'à la limite, connaissance humaine et doctrine du salut se confondent. Bacon : sens et intelligence des faits isolés. Bacon : les règles générales sont pour la raison des moyens commodes d'obtenir une vue d'ensemble des faits isolés ; l'idée est un élément subjectif de l'esprit humain. La pensée de Bacon : un platonisme inversé. Platon ne voit la réalité que dans le monde des Idées, Bacon dans le monde sans idées de la perception pure. Descartes : ce que j'ai pensé se fonde peut-être sur l'illusion. (…) Que ce soit erreur ou mensonge, je n'en pense pas moins. Et si je pense, c'est donc que j'existe. «Je pense, donc je suis.» L’idée de Dieu, l'idée de l'être parfait : il faut que Dieu existe. Le monde extérieur (qui nous apparaît réel) doit aussi l'être : sinon, il serait un mirage suscité par la divinité pour nous leurrer. Spinoza : constitution d’un système de vérités purement logiques. L’«Ethique». C'est dans la structure de la pensée que doit s'exprimer l'essence du réel. Les idées issues de la perception sont inadéquates : tronquées et confuses ; cela s’étend au sentiment et à l'acte moraux de l'homme. David Hume : philosophie qui ne tire la connaissance que de la perception. La pensée relie les perceptions isolées parce que la raison a pris l'habitude d'établir un rapport entre les objets. Pour l'homme une chose succède à une autre dans le temps. Hume : les idées humaines sont des habitudes de pensée. Kant : il y a des vérités nécessaires produites par la pensée pure, en dehors de toute expérience. L'expérience ne peut atteindre à des vérités tout aussi nécessaires. Défiance à l'égard du monde de la perception : «Les sensations isolées ne proviennent pas de l'expérience, mais la pensée les ajoute à l'expérience.» L'homme perçoit, non les objets, mais seulement l'impression qu'ils lui font : le monde empirique est subjectivement engendré de l'intérieur en réponse à une impulsion extérieure. Problèmes de la liberté, de l'immortalité et de l'ordre divin de l'univers. Gœthe : assurer au savoir une base solide en reconnaissant dans la nature l'essence du monde idéel, puis y progresser jusqu'à une expérience qui transcende la réalité sensible. La «chose en soi» de Kant : Kant dénie à la connaissance le droit d'éclairer le domaine de la «chose en soi ». D'un point de vue gœthéen, la pensée de Kant ne pouvait naître que dans un esprit où le sens de la nature créatrice n'avait pas été développé.

Goethe et le Platonisme 

Goethe : la nature ne se conçoit que pleine d'idées. Une idée naît-elle dans l'esprit, c'est la nature qui l'y a suscitée et le monde idéel n'est autre que la puissance créatrice de la nature. Rejet de tout platonisme tronqué, car contre nature. Voyage en Italie. Présence – dans les chefs-d'œuvre de l’art –, du «divin», de «l'éternel», et que les hommes révèrent. Lois naturelles et vraies. La création d'art est une création de nature à un niveau supérieur. Etudier la nature, ou exercer un art : nulle différence. L'artiste : réaliser les idées de la nature, mais sans besoin d'en prendre conscience sous la forme d'idées. Le philosophe : montrer la nature telle qu'elle se présente à la pensée. Le philosophe propose sous forme d'idées, l'artiste sous forme d'images. Moritz. Goethe : approche de la nature inorganique. Dans toute observation : déceler avec exactitude toutes les conditions nécessaires à l'apparition du phénomène, et l'obtenir encore sous la forme la plus complète possible. «Action apaisante» de Spinoza sur Goethe, mais le contenu même de la philosophie spinozienne lui reste étranger. Lui reste étrangère la manière spinozienne, purement logique, étrangère au réel, de traiter le problème de la connaissance. Gœthe : ne pas s'adonner à la pensée pure, dégagée de toute expérience et ne pas se contenter de rattacher une pensée à une autre par la seule logique. L'action alternée de l'idée et de la perception : voilà la respiration même de l'esprit. Cette alternance même régit le monde moral et scientifique. Sitôt que l’homme sent vivre et agir l'Idée au dedans de soi, il se considère, lui et la nature, comme formant un tout. Le subjectif est devenu objectif et l'objectif est entièrement pénétré par l'esprit. Pensée de Kant en opposition absolue avec les vues de Gœthe. Schiller : découvre le nécessaire dans l'empirique, et le général dans l'individuel. Il n'existe pas d'esprit purement spéculatif au sens où l'entend Schiller. Si un esprit dit «spéculatif» a vraiment des idées générales, il les doit à l'observation du monde réel. En perdant le sentiment vivant de cette origine, on commence à croire que ces idées peuvent naître dans l'esprit, même sans recours à l'expérience. Plus les idées sont générales, plus l'illusion est aisée. Heinroth : description de l'attitude de toute pensée saine en face de l'objet. Quand la perception l'emporte, on reste attaché au particulier sans pouvoir pénétrer dans les profondeurs du réel. Quand c'est la pensée abstraite, les concepts ne suffisent pas à saisir la plénitude de la réalité. À l'extrême de la première aberration, l'empiriste grossier qui se contente des faits particuliers ; à l'extrême de la seconde, le philosophe qui invoque la raison pure et se borne à penser, sans s'apercevoir que l'idée est naturellement liée à la perception.

Personnalité et conception du monde

La réalité accessible à la seule perception est une moitié de la réalité totale ; l’autre moitié c’est le contenu de l'esprit humain. La vérité s'adapte à chaque personnalité : cela surtout pour les vérités les plus importantes. Les vérités générales – que tout homme admet – sont les plus superficielles. Mesure et nombre restent les mêmes pour tous, et il en est ainsi pour les vérités mathématiques. Toutes les formes individuelles de la vérité appartiennent à un tout qui soit un : le monde des idées. Goethe : refus de toute théorie qui se veuille définitive et prétende exprimer une vérité éternelle. Les questions que se pose l'esprit n'émanent pas de l'objet, ni de quelque puissance extérieure à l'homme : elles émanent de la nature de sa personnalité même. L'âme éprouve le besoin d'établir un rapport avec la perception : de là le désir de connaissance de l’homme et vouloir connaître est une exigence de la nature et des choses. Seuls les esprits incapables de reconnaître, en l'homme, le langage même des choses, estiment que toute vérité doit venir de l'extérieur. Des métaphysiciens cherchent – dans une seconde réalité située derrière les choses –, à se faire, par la pensée, des notions de la vérité, ils veulent acquérir une connaissance sûre à l'aide de purs concepts. La mathématique est le résultat d'un processus de pensée pure, son contenu est d'ordre spirituel. Les fanatiques du fait objectif : ils ne constatent qu'en apparence des phénomènes purement extérieurs, ne réfléchissent guère sur le monde idéel et son caractère subjectif. Fr. H. Jacobi. Gœthe: les phénomènes ne révèlent leur essence qu'en présence de l'organisme physique et spirituel de l'homme. Point aveugle dans le cerveau, un point où nul objet ne se reflète. Si l'attention de l'homme s'y concentre, il succombe à une maladie mentale, et pressent ici les objets d'un autre monde. Kant refuse à l'homme la faculté de pénétrer dans le domaine où les forces de la nature s'offrent immédiatement à la vue. Gœthe : l'homme, dans son monde idéel, saisit immédiatement l'action du principe créateur. La notion d'une «chose en soi» suscitant la perception chez l'homme, sans jamais être perçue elle-même, est une hypothèse injustifiable. Gœthe : ne pas de se plonger dans le monde des idées, conçues souvent à la manière de Kant, hors de la nature créatrice et inhérentes au seul esprit humain, mais atteindre à la connaissance suprême en cultivant des états d'exception, comme l'extase par exemple. Si plus d'un mystique se plonge dans un monde de sensations et de sentiments troubles, Gœthe se plonge dans le monde clair des idées.

La Métamorphose dans les phénomènes universels

Deux grands moteurs de la nature. La polarité caractérise les phénomènes de la nature sous leur aspect matériel. La gradation les caractérise sous leur aspect spirituel. Gœthe : la «gradation» est l'élaboration du spirituel par la nature. La nature tout entière est pénétrée par l'esprit. En observant les phénomènes, du fortuit jusqu'au «génial», on revit la métamorphose de l'esprit qui, d'une forme inadéquate, passe à sa forme originelle propre. Unité d'action entre toutes les forces créatrices. Éviter l'erreur d'étendre à la nature entière la loi observée dans un domaine particulier. Holbach : la matière existerait de toute éternité, ainsi que le mouvement, lequel, s'exerçant sur elle à droite, à gauche et en tous sens, suffirait à produire l'infinie diversité des phénomènes. Du Bois-Reymond. Gœthe : établir non un principe abstrait auquel on peut réduire tous les phénomènes, mais les expressions particulières, dans chaque domaine, de la Loi générale. Gœthe artiste, savant, naturaliste et poète. Processus libérateur déclenché par l'acte de la connaissance. La pensée de Gœthe est perception et sa perception, pensée : il ne parvient pas à faire de sa pensée même l'objet de la réflexion. L'homme ne peut connaître la nature particulière du monde idéel que par intuition de sa propre activité. La perception n'apparaît plus engendrée par l'idée : elle est elle-même idée. La perception d'une chose qui s'engendre elle-même, c'est la perception de la liberté. Gœthe parvient, à l'intérieur de limites nettement déterminées, à des concepts sûrs, cependant, incapable de l'ultime intuition intérieure, il tâtonne dès qu'il franchit ces limites. Ses idées morales, l’homme les connaît immédiatement sous forme idéelle. Perception de la naissance de l'élément moral au sein de la nature humaine. Gœthe : «Le devoir, c'est d'aimer ce qu'on s'ordonne à soi-même.» Lessing. Schelling. Goethe : La force efficiente des choses se manifeste en l'homme sous forme d'idée ; la force efficiente en l'homme est l'idée qu'il engendre lui-même. L'homme se réalise lui-même par ses actes moraux. Max Stirner. Gœthe n’arrive pas à l'intuition de la liberté, parce qu'il répugne à la connaissance de soi. Études de sciences naturelles de Gœthe : aucune cause impénétrable, nul ressort caché des phénomènes. En dehors du domaine de la nature, le sentiment de l'essence des choses perd de sa force chez Gœthe. Notion

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