- Détails
- Catégorie : Steiner - Conférences & extraits de livres
- Mis à jour : jeudi 23 avril 2020 10:27
- Affichages : 1987
L'amour et son importance dans le monde
Conférence de Rudolf Steiner à Zurich, le 17 décembre 1912
Dans GA 143 – « Trois voies vers le Christ – Chemins de l’âme »
® Éditions Anthroposophiques Romandes 2001 – Traduction Didier Journaux
Conférences aux membres de la Société Anthroposophiques - Notes d’auditeurs
Nous avons dit qu'au moment actuel de notre évolution nous devons acquérir ce que l'on peut appeler une compréhension de l'impulsion christique. Nous nous demandons peut-être ce qu'il adviendra de la personne qui n'en a jamais entendu parler, et qui n'a même jamais entendu parler du Christ. Devra-t-elle perdre le bénéfice de l'impulsion christique parce qu'elle n'a pas entendu parler du Christ ? Pour que la force christique descende dans son âme, doit-elle avoir une connaissance théorique de ce que l'on appelle l'impulsion christique ? Pour jeter de la lumière sur cette question, examinons notre vie entre naissance et mort.
Dans notre première enfance, peu après la naissance, nous sommes à moitié endormis. Nous avons alors encore à apprendre à nous ressentir nous-mêmes comme Moi, à nous trouver être Moi. Au cours de notre vie terrestre notre vie psychique est continuellement enrichie en accueillant tout ce qui nous est communiqué par notre Moi. Cette vie atteint donc sa plus grande richesse, sa plus parfaite maturité, à l'approche de la mort. Alors la grande question est celle-ci : Que devient notre vie psychique lorsque notre corps physique dépérit ? Une caractéristique propre à notre vie physique et psychique est qu'au fur et à mesure que la mort approche, l'expérience de la vie et la connaissance de la vie que nous portons en notre âme continuent à s'accroître. Mais en même temps nous perdons de plus en plus certaines qualités et nous en acquérons d'autres, qui varient d'une personne à l'autre. Dans notre jeunesse nous accumulons les connaissances, l'expérience de la vie ; nous nourrissons des espérances dont nous ne pourrons réaliser la plupart que plus tard. Au fur et à mesure que nous avançons en âge nous commençons à aimer la sagesse de la vie. L'amour de cette sagesse n'est pas égoïste, car il croît au fur et à mesure que la mort approche. Il croît à mesure que décroît la perspective d'en tirer profit. Nous aimons de plus en plus cette substance de l'âme. La science spirituelle peut devenir tentatrice en nous apprenant que notre prochaine vie dépendra de l'étendue de la sagesse que nous aurons acquise dans celle-ci. En effet, elle peut susciter en nous une bonne part d'égoïsme, que nous emportons de cette vie, ce qui présente un certain danger. La science spirituelle peut devenir une tentatrice pour l'âme qui a l'idée de la mettre au service du mal. C'est ainsi qu'elle nous tente. C'est dans sa nature. On peut observer que l'amour de la sagesse quotidienne se manifeste un peu comme la floraison de la plante, qui attend d'être mûre pour cela. On peut ainsi observer l'apparition d'un amour pour quelque chose qui est en nous-mêmes.
On a souvent essayé d'élever l'impulsion de cet amour qui est en nous-mêmes. Nous voyons les mystiques, par exemple, s'efforcer de transformer la tendance à l'égoïsme en amour de la sagesse, et laisser celui-ci rayonner en une belle lumière. En approfondissant leur propre vie psychique, ils recherchent l'étincelle divine en eux-mêmes, ils cherchent à ressentir leur Moi supérieur dans cette étincelle divine. En développant sa sagesse, on ne fait que former le germe de sa prochaine vie. C'est comme la graine que la plante a produit au cours d'une année. La sagesse reste, comme la graine. Nous passons par la porte de la mort et le noyau spirituel essentiel, qui est alors mûr, est le germe de la vie terrestre suivante. On peut le déceler, on peut devenir mystique et prendre pour une étincelle divine, pour quelque chose d'absolu, ce qui n'est que le germe de la vie terrestre suivante. On l'interprète ainsi parce qu'on est gêné de s'avouer que ce germe spirituel n'est pas ce qu'on est soi-même. Maître Eckart et Johannes Tauler [i] l'appellent le dieu en nous-mêmes parce qu'ils ne savent rien de la réincarnation Si nous tenons compte de la loi de la réincarnation nous voyons, d'une façon générale et dans les circonstances particulières, l'importance de l'amour dans le monde. Nous comprenons sous le nom de karma ce qui, dans une vie terrestre, est la cause d'effets qui se manifesteront dans la vie terrestre suivante. Mais, en tant qu'êtres humains terrestres, nous ne pouvons pas vraiment parler de l'amour qui comporte un acte fait par amour, et de sa compensation, comme d'une cause et son effet. Là où il s'agit d'un acte et de sa compensation, il s'agit de quelque chose qui n'a rien à voir avec l'amour. Les actes accomplis par amour ne demandent pas une compensation dans la vie terrestre suivante.
[i] Maître Eckart, 1260-1327, dominicain théologien et mystique allemand ; il a enseigné la théologie à Strasbourg, il fut le maître du mouvement mystique rhénan ; accusé d'hérésie par l'évêque de Cologne.
Tauler Jean (1300-1361), théologien, mystique et prédicateur alsacien. Dominicain, élève de Maître Eckhart. Il a enseigné un mysticisme austère et le renoncement à soi-même. Il a probablement fait ses études à Cologne et a séjourné à Bâle. Il conseillait les Amis de Dieu. Remarquable prédicateur.