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- Catégorie : Steiner - Conférences & extraits de livres
- Mis à jour : dimanche 26 avril 2020 13:30
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Du prix correct
Rudolf Steiner
Extrait du livre « Cours d’économie et séminaire »
© Éditions Anthroposophiques Romandes 2004
Conférence du 29 juillet 1922 à Dornach
Traduction de Jean-Lambert Des Arts et Jean-Marie Jenni
Vous savez peut-être que j'ai cherché à définir par une formule dans mon ouvrage « Éléments fondamentaux pour la solution du problème social »[i], comment parvenir à une représentation du prix correct dans le processus économique. Une formule de ce genre ne fournit naturellement tout d'abord rien d'autre qu'une abstraction. Au cours de ces conférences, qui devraient former un tout bien que notre temps soit limité, notre tâche consistera, ne serait-ce que schématiquement, à faire entrer dans cette abstraction toute l'économie.
Aussi avais-je donné dans cet ouvrage la formule suivante : Un prix est correct s'il permet, à celui qui a fabriqué un produit, d'obtenir une somme suffisant à satisfaire ses besoins, y compris ceux de sa famille, pendant tout le temps nécessaire à l'élaboration d'un produit semblable. Cette formule, aussi abstraite soit-elle, est néanmoins exhaustive.
Il s'agit, lors de l'élaboration de telles formules qu'elles contiennent réellement toutes les particularités concrètes. Et je pense que cette formule est aussi satisfaisante, pour l'économie, que le théorème de Pythagore l'est par exemple pour tous les triangles rectangles. Or, dans le théorème en question, on doit faire entrer toutes les longueurs possibles des côtés du triangle, tandis que la formule du prix correct doit contenir un nombre de facteurs bien plus élevé. Comprendre comment faire entrer dans cette formule l'entier du processus économique, c'est pratiquer la science économique.
Je voudrais partir aujourd'hui d'un aspect essentiel de cette formule. En effet, je n'y fais pas intervenir le passé, mais le futur. J'insiste expressément : la contre-valeur doit assurer les besoins à venir, jusqu'au moment où aura été créé un même produit. C'est un point essentiel de cette formule. Si l'on exigeait la contre-valeur d'un produit déjà fabriqué en fonction de son coût actuel, qui correspond d'une certaine manière à des processus économiques, il se pourrait très bien que le producteur ne reçoive, par exemple, que les cinq sixièmes, car les processus économiques poursuivent leur marche du passé vers le futur en se modifiant. Prétendre établir quoi que ce soit sur la seule foi du passé c'est, à coup sûr, le moyen de se fourvoyer en matière d'économie. Car le propre de l'activité économique est justement de mettre en œuvre les processus futurs liés à ce qui précède. Si nous utilisons les processus du passé pour mettre en œuvre ceux de l'avenir, les valeurs se modifieront éventuellement de manière significative, car les valeurs se déplacent constamment. Il s'agit donc, dans ma formule, avant tout de ceci : le temps consacré à la fabrication d'une paire de bottes mise en vente n'a absolument aucune importance au regard de l'économie, ce qui compte c'est le temps nécessaire à la confection d'une nouvelle paire. Voilà de quoi il retourne dans cette formule, et nous devons maintenant nous appliquer à la comprendre au sens le plus large possible dans le processus économique.
[i] GA 23 dans « Au cœur de la question sociale » Éditions Anthroposophiques Romandes 2017